L'AUTOBIOGRAPHIE DE WILLIAM DELIGNY

Un personnage qui passe en trente ans, de l’ultra violence skinhead à une vie dédiée à l’amour. Dès l’adolescence, William connaît à travers la vie de gang le racisme, le fascisme et la haine du monde. Puis suite à une overdose de violence, il est en proie à un combat intérieur, qui l’amènera à se tourner vers les autres. Maintenant devenu un caméléon spirituel au différents costumes, il consacre son temps à aider les autres.

Ce blog retrace des extraits du livre de la vie atypique de William Deligny connue sous le titre
« Un skinhead repenti devenu swami »
Aujourd’hui, il est un moine hindou qui était dans le passé un skinhead parisien ultra violent.

Introduction

Je m’appelle William Deligny et je suis moine vaisnava depuis 1992. Ma vie se résume aujourd’hui en une vocation vers le bien d’autrui. Mais cette vie n’a pas toujours été dans cette direction, bien au contraire. Avant cela, j’ai été un skinhead, et j’étais connu comme P’tit Willy. J’étais le guitariste du groupe « Evil Skins ». Aussi, je sens aujourd’hui le besoin d’en parler. D’une part, car je ressens le devoir de me racheter envers ceux à qui j’ai fait du mal, envers ceux dont j’ai été le déclencheur d’une frayeur ou d’une aversion, mais également dans le but d’échanger une expérience.

En fait, depuis toutes ces d’années, il n’est pas une journée où je ne me repens de toutes les atrocités que j’ai pu commettre. Au fond de moi-même, je ne désire pas que d’autres prennent le chemin de l’ultra violence. Ma conviction est que l’être vivant est doté d’un libre arbitre. Aussi, j’espère qu’en lisant ces lignes, il pourra comprendre et ne pas s’engager dans une voie négative. C’est pour cela que j’ai décidé de prendre la plume.

1- L’enfance

Je suis né dans une famille prolétaire, le 16 juillet 1967 à Levallois Perret. Mon père travaillait à la RATP (transport parisien) et ma mère était femme au foyer. J’avais un frère, plus âgé de 13 années et une sœur de 8 années. Nous vivions ensemble dans une HLM en banlieue parisienne, à Bagnolet, dans une zone à forte immigration.

Je me souviens que mon père était souvent saoul. Aussi, pour moi l’alcool était un élément normal. Tout comme on respire. J’étais né dedans. Petit à petit, à force de me mettre un peu de vin dans mon verre d’eau (pour remplacer la grenadine), j’ai ressenti le besoin d’absorber des intoxicants. C’est donc à l’âge de 8-9 ans que j’ai commencé à voler des cigarettes à mon frère, puis de l’argent à ma mère, afin d’en acheter. On avait nos planques avec les jeunes de la cité pour cacher nos clopes. Puis on fumait dans les escaliers de l’immeuble.

A cette époque, j’étais plutôt un jeune enfant gentil, et je n’étais pas bagarreur. Or, un jour à l’école, celui qui était considéré le plus fort, un Portugais, m’a attaqué, et je me suis défendu. A vrai dire j’avais peur, mais je lui ai envoyé un coup de poing qui l’a déstabilisé et impressionné. Je me suis retrouvé, sans le désirer, comme un objet de crainte pour les autres. J’avais alors acquis une réputation de bagarreur. Les autres me laissaient le passage à présent et tout le monde désirait devenir mon ami. Petit à petit, j’ai commencé à me plaire dans ce jeu……

Il fallait toujours entre enfants faire plus, imiter les plus grands de la cité.  J’ai donc commencé à boire de l’alcool et à 11 ans à prendre mes premières drogues, puis sont venus les vols de voiture, les cambriolages des caves… A 12 ans, j’ai commencé à m’intéresser à la musique rock à travers les vieux disques de rock de mon père. Je m’étais fait un look de rockeur. Quelque temps plus tard, en 1977,  j’ai découvert la musique hard rock avec la sortie de nouveaux groupes comme Trust et ACDC. Là, je suis devenu un passionné de musique plus dure. J’allais aux puces de Montreuil chaque semaine pour chiner des disques d’occasion. C’est là que j’ai trouvé un disque de Skrewdriver, puis j’ai découvert les Sex Pistols et d’autres groupes punks. J’ai alors quitté les cheveux longs et la veste en jean couverte d’inscriptions pour me mettre un jour un pseudo look punk….

2-  Rencontre avec le monde skinhead (1980-82)

Je me rappelle… c’est en Angleterre que j’ai vu pour la première fois un skinhead et une bird (femme skinhead). J’ai alors été attiré par la force qui se dégageait d’eux. L’homme avait cinquante ans et il était vraiment imposant, avec son look rasé à blanc, un bomber kaki et des Docs montantes 18 trous. La femme avait des monkey boots, un jean, des bretelles, un polo Fred Perry, et des mèches de cheveux teintes en rose. Cette rencontre avait fait un impact dans mon mental, car je cherchais quelque chose de toujours plus haut, et je n’avais encore jamais vu de look qui inspirait autant la peur, je me suis senti aspiré. Mais ce n’est qu’en 1982 que j’ai revu des skinheads en France.

A cette époque, mes parents m’avaient scolarisé dans un lycée privé à Paris, rue d’Assas en espérant que je ne devienne pas un délinquant. C’était le lycée Saint Sulpice. Cet établissement était divisé en deux, une partie qui comprenait les classes de 6ème à la 3ème, et l’autre de la seconde jusqu’au bac. J’avais incorporé la classe de 3ème b. Or, lorsque j’allais à la cantine, je voyais qu’il y avait des skins dans les classes supérieures. Un de ces skins avait comme surnom « le Tyran », il était rattaché à la bande de Tolbiac.

Quand il marchait, il donnait l’impression qu’il était le contrôleur du monde, qu’il était colossal. Il marchait lentement, les jambes et les bras écartés, en dévisageant le monde, avec sa croix celtique qui pendait à son cou.

De temps en temps, d’autres skins venaient le chercher à la sortie du lycée, et même si ces personnes faisaient peur à tout le monde, j’étais attiré par eux. J’avais envie d’être comme eux. Alors discrètement, j’ai commencé à prendre leur look. J’ai coupé mes cheveux très courts. Je me suis fait offrir par ma mère deux chemises de bûcheron, des bretelles rouges, puis j’ai fait des ourlets à mes jeans, et puis un jour j’ai acheté des rangers de l’armée, et je suis venu comme cela au lycée.

Alors c’était le test, j’étais en anxiété. Je ne savais pas ce qui m’attendait. Ces skins étaient si impressionnants ! Mais en même temps, je ne pouvais renoncer à mon désir de leur ressembler. C’était pour moi comme un but, un idéal, tout était devenu comme secondaire : la famille, les études… J’étais comme piqué par quelque chose qui obnubilait ma conscience. J’avais besoin d’être quelque chose, d’avoir une identité, d’être respecté, de vivre quelque chose de particulier. J’étais prêt à tout pour cela, même à prendre leur idéologie qui était d’être nationaliste, car tous les skinheads étaient en ce temps-là nationalistes. Il fallait donc que je me jette à l’eau.

Mais lorsque le Tyran m’a vu, l’accueil n’a pas été bon. C’était comme s’il avait vu quelque chose qui n’était pas vrai, une imitation. J’ai alors ressenti que ça allait être vraiment difficile. Et je suis passé sans m’arrêter. En fait, il essayait indirectement de m’intimider pour que je renonce à devenir un skinhead, mais j’étais déterminé, peu m’importait de ce qui pourrait arriver. Finalement, il s’est rapproché de moi, et m’a accepté. Puis il m’a invité à Tolbiac voir la bande. J’ai rencontré Vincent, sa copine, Pascal, Revel, Grande dent, Bruno et d’autres. A cette époque, le groupe de musique des Tolbiac (Tolbiac Toads) avaient comme projet d’enregistrer un 45 tours. J’ai été tout de suite bien aimé d’eux.

La vie des skins de Tolbiac était assez tranquille. Ils avaient tous un travail et une habitation. Ils étaient des gens assez insérés dans la société…

3- Les skinheads de Gambetta (1983)

Puis, un jour, à la sortie du lycée, d’autres skins sont venus chercher le Tyran. Il y avait entre autre Fesni et Bat. C’est alors que j’ai appris qu’il y avait une toute nouvelle bande de skins à Gambetta, un quartier dans le vingtième arrondissement de Paris. C’était une aubaine car c’était à trois stations de métro de là où habitaient mes parents.

Je suis donc passé en rentrant de l’école par la sortie Gambetta. Lorsque je suis sorti du métro, j’ai emprunté l’escalier mécanique qui montait au rez-de-chaussée. C’est là que j’ai aperçu les skinheads de Gambetta. Ce jour-là, il y avait Porky, Jean-Luc et Piaf.

Une semaine auparavant, Porky était encore un Teddy Boy. C’était une véritable armoire à glace. Il faisait environ 140 kilos pour environ 1m 80. Il avait tellement de force que lorsqu’il mettait un coup de poing à une personne ou même une gifle, elle tombait dans le coma.

Dès que Porky m’a vu, il m’a tout de suite pris sous sa protection. Quand il me voyait, il m’appelait comme si j’étais son petit frère « Willy !!! » Il disait « celui qui le touche il aura affaire à moi !!! » « C’est notre mascotte, et en plus il assure !!! »

Ce jour-là, la bande est arrivée au complet petit à petit, Giovanni en premier, puis Bruno de Maux, Bat, Fesni, Grand Eric, Anti, Boris, Tiphaine et Ninas.  J’ai fait connaissance avec la bande et je l’ai incorporée.  

Il y avait une grande différence avec la bande de Tolbiac. L’esprit de Gambetta était plus rock’n’roll, bagarreur, et provocateur, déjà dans le look. Ils étaient également toujours bourrés à la bière. Ils riaient, se chamaillaient, hurlaient dans la rue et chantaient à tue-tête des chants et faisaient des saluts provocateurs.

4- La loi du territoire

A cette époque, les bandes de skinheads des Halles et de Bonsergent étaient encore d’actualité, et certains skins étaient très envieux de nous. C’est l’éternel principe, les bandes nouvelles sont toujours haïes par les anciennes. Il y avait donc à cette époque des échos sur une éventuelle descente de bande adverse à Gambetta. On vivait sur la défensive. J’avais pris comme arme pour me défendre le vieux hachoir de mes parents au cas où ils me tomberaient dessus. Chacun avait ses armes…

Cette année, pour la première fête de la musique en1983, les Tolbiac’s toads allaient jouer sur une petite place de la rue de Tolbiac. Bien que tout le monde nous attende là-bas, on était comme contraints d’y aller, sans cela, il en était fini de la réputation des skins de Gambetta. On s’était donnés rendez-vous pas loin de cette place avec grand Eric, Giovanni, Bruno de Maux, Jean-Luc et Piaf. Mais en descendant vers la place,  une personne nous a averti qu’une quarantaine de skins viendrait pour nous lyncher. Alors il y a eu une sorte de panique générale, et nous sommes tous partis vers le métro. Puis au bout de quelques mètres, je me suis arrêté, et je me suis dit au fond de moi : « Je ne veux pas être un lâche. » Je me suis donc adressé aux autres et je leur ai dit que finalement je voulais y aller, car je savais que Bat et Fesni y étaient, en train de nous attendre. Gand Eric m’a alors dit : « Va pas là-bas, tu vas te faire défoncer la tête !!! » Alors, nous nous sommes séparés, et j’ai été vers le danger imminent.

Lorsque je suis arrivé sur place, il n’y avait que les skins de Tolbiac qui arrangeaient la place pour leur concert. Ils étaient de notre côté mais en même temps, ils ne s’impliqueraient pas pour nous aider. Bat et Fesni étaient également présents. C’est alors que toute la raya des Halles est arrivée, avec à leur tête, Jimmy le black. Ils venaient bien avec l’idée de nous trouver sur place, et à peine étaient-ils arrivés qu’ils se sont mis à dire : « Où sont les bouffons de Gambetta !!! »

Alors, bien que la veille, on avait eu une bonne bagarre et que Fesni avaient les cartilages des mains abîmés et qu’il ne pouvait combattre, il s’est approché de Jimmy et lui a mis des gifles pour répondre à ses attaques verbales. Ils étaient alors entourés de 40 personnes qui disaient « Allez Jimmy, nique ce bouffon !!! » « Tue-le !!! ».

Après quelques échanges de coups, rapidement il a saisi Fesni, et a coincé sa tête sous son bras gauche puissant et a commencé à lui mettre des coups de poings. Finalement, après quelques instants, Jimmy l’a lâché, car il n’arrivait pas à l’amadouer. Puis les deux combattants ont été séparés.

A ce moment, j’étais près des skins de Tolbiac. C’est alors qu’un skin des Halles s’est avancé dans ma direction. J’étais un enfant de 15 ans et lui devait bien avoir la trentaine facile. Sur son front était tatoué « fait en France » et au-dessus, une croix à l’envers était également visible. Ses bras étaient également bien tatoués et sa tête aurait fait peur à n’importe quel passant.

Il m’a dit : « T’es de Gambetta toi !!! » Alors les skins de Tolbiac ont essayé de le calmer en lui disant que je n’étais qu’un enfant, mais il ne voulait rien savoir. « T’es de Gambetta, t’es un bouffon !!! » « T’as pas le droit de porter un bomber, donne-moi ton bomber, où j’t’éclate la tête !!! »

Je n’étais pas du tout à l’aise, mais en même temps je n’avais pas d’autre choix que de livrer bataille. Le Tyran discrètement m’a fait un signe de lui placer un coup de boule. C’est vrai que j’étais parfois surnommé « coup boule d’enfer », car je m’amusais parfois à ouvrir les portes de sortie de secours en mettant des coups de tête, ou bien occasionnellement lorsque j’étais ivre, je mettais des coups de tête dans les vitrines de magasins et les cassais.

Un attroupement a commencé à se faire pour assister à la seconde bataille. Alors que ce skinhead allait m’attraper, je lui ai mis un coup de tête. Son nez a explosé, et du sang a commencé à couler, puis je lui ai mis une série de coups de poings. Finalement, la raya des Halles s’est dispersée incognito comme s’ils n’avaient pas vu la scène, puis on a été séparés.

Quand le concert a été fini, et on est partis tous les trois, moi, Bat et Fesni vers le métro.

Je me rappelle comme on était contents. On était aux anges, car on avait assuré. On avait maintenant officiellement notre place dans les bandes de Paris….

C’est également à cette époque qu’avec Fesni, Régis et Cornette, un psycho du Havre, on a commencé à vouloir faire un groupe de musique oï. Moi je connaissais deux accords de guitare et Régis ne savait pas faire grand chose également, Cornette était vraiment un batteur très moyen, et Fesni, n’était pas également très bon au chant. C’était vraiment le groupe de débutants bêtes et méchants. Si mes souvenirs ne sont pas trop mauvais, je pense qu’on allait parfois au Havre pour jouer, ou encore en banlieue parisienne. On réservait une salle de répétition pour la nuit, et on faisait du bruit, arrosé de bière. Plus tard, ce groupe fut appelé « Evil Skins ».

5- Les skins de Saint Michel (1983-84)

En Inde, on dit que l’on développe les qualités et les défauts de ceux avec qui l’on s’associe, et maintenant je peux réaliser à quel point ceci est vrai, car intérieurement une véritable transformation de ma conscience s’était faite. Je n’avais plus en moi un gramme de compassion, ni de tolérance. J’étais simplement habité par la haine. Même si je n’étais encore qu’un enfant de 16 ans je n’avais peur de rien. Je marchais dans la rue en dévisageant tout le monde.

On était dans un tel film intérieurement que les gens pensaient qu’on était des monstres prêts à tuer. Oui, on était si fiers d’être skinheads qu’on ne voulait jamais perdre une bagarre. Il fallait coûte que coûte assurer, aussi des armes étaient nécessaires. Même la nuit je rêvais de bagarre, c’est comme si la violence prenait à chaque instant possession de moi, une telle pression intérieure. J’étais devenu comme un animal, j’étais toujours en alerte …

Une telle conscience m’a amené rapidement à devenir insociable. Aussi les professeurs du lycée avaient-ils peur de moi, ils s’arrangeaient pour que je ne vienne pas en cours, sans avoir d’avertissement, sans avertir le directeur. Mes parents n’étaient donc pas au courant, j’en profitais pour passer à présent tout mon temps avec la bande. En fait,  je rentrais que très peu chez mes parents. Peut être lorsque j’étais trop sale, et ma mère avait très peur car souvent du sang tachait mes vêtements. Elle est presque devenue dingue à cette époque.

Je traitais mes parents également comme des ennemis car ils voulaient que je change. Je n’avais donc plus de refuge, plus d’amis, plus de parents, plus aucun repère, à part la bande. Tout était devenu négatif…

C’est à cette époque qu’on a changé de fief. On a quitté Gambetta pour venir squatter le quartier Saint Michel. Il y avait à cette époque une petite boutique de disques appelée « New Roses ». C’était la boutique branchée de Paris, tous les branchés y passaient.

On a commencé à traîner devant avec Bat, Fesni et Porky. Puis d’autres skins nous ont rejoints : les skins de Lagny (Guillaume, Jean-Luc et Faty), Tintin, les skins du Havre (Régis et Eric), Kermit, Vitriol, Tintin, Jabbha, Petit Pierre et son frère Mathieu, Pascal, Tiphaine, Nathalie et Myriam.

Dans ce temps, il n’y avait aucune boutique qui vendait des Doc Martens et d’autres vêtements skinheads. Aussi la boutique de New Rose était-elle un endroit où les punks et simili skins se retrouvaient pieds et torse nus et les poches allégées. Les skins à cette époque n’allaient pas au supermarché pour acheter des docs, des harlingtons ou des bombers….

C’est également à ce moment qu’on a vu le film « Orange mécanique ». Je peux alors dire que la rue a pris une dimension aussi violente. Dans ce film, on voit comment il est possible de massacrer des pauvres gens avec un plaisir sadique, juste pour rire. Ils nous arrivaient de coincer la tête d’un membre d’une autre bande sur le capot d’une voiture  et de sauter dessus du haut du toit à pieds joints, chacun son tour, ou encore de s’amuser à lyncher des gens tout en rigolant et en blaguant. De tels films peuvent avoir des répercussions très très négatives sur ceux qui sont attirés par cette violence.

La violence dans le quartier était devenue telle que le commissaire nous a fait cueillir un après-midi par une meute de policiers qui nous a amenés dans son bureau. Il a été clair : « Je vais vous faire une fleur. Je ne vais pas vous mettre au placard. Mais vous êtes interdits dans mon arrondissement……

6- Les skins du Luco (1984)

On a donc dû déménager pour le quartier d’à côté. On a alors pris refuge dans le jardin du Luxembourg et de la rue d’Assas. La bande s’est alors accrue, avec la venue de Bruno de Tolbiac, du Tyran, de Nono, de Brochet et des skins du Havre (Régis, Eric, et un autre). C’est à cette époque que la bande est devenue plus raciste, et des fafs ont commencé à vouloir côtoyer notre bande. On traînait alors dans un café appelé le Lufac, qui était situé à 100 mètres de la fac de droit.

Puis, il y a eu un tournant dans la bande, une partie devenait plus politisée que rock’n’roll, à cause du quartier très lié au fascisme « rue d’Assas ». C’est à ce moment qu’un homme de cinquante ans, Alex. Chab.., professeur de boxe, et interlocuteur politique nous a rencontrés au café du Lufac. A cette époque, on était une bande de copains et il n’y avait pas de leader entre nous, mais parce qu’on n’était pas très intelligents, il est arrivé rapidement à nous manipuler. Il a commencé par nous monter les uns contre les autres. IL nous a montré un article de journal qui démontrait que Bat ou Serge Ayoub était juif. Bat a été rejeté et la bande s’est divisée en deux, l’une a pris le camp du rock’n’roll avec des personnes comme Fesni, Jabbha et Régis, et l’autre le camp de « Révolte Occident » mouvement de ce leader.

Cette personne était vraiment obscure, mais c’était un très bon professeur de boxe. On avait accepté de prendre des cours avec lui, histoire de mieux se bagarrer. Mais on en a eu vite marre de ce facho militariste qui nous empêchait de nous éclater. Finalement à part deux ou trois, on est revenus dans la bande du Luco.

Bah ! Faut comprendre que moi personnellement, je ne connaissais rien à la politique. J’avais entendu parler comme tout le monde des massacres auxquels Hitler et Staline s’étaient adonnés. Notre affichage en tant que facho était une façon de défier le monde, de rejeter le système. Je pense que j’aurais pu être communiste et faire la même chose, si au départ j’étais tombé avec des skins communistes. A cette époque, les skins étaient au minimum nationalistes, il n’y avait rien d’autre.

La vie est comme une boule de neige. On est embarqué avec des personnes et on évolue avec le groupe, et plus on évolue et plus certains font du zèle … A la fin on s’est retrouvés avec des idées, des slogans fascistes, des drapeaux nazis et on ne savait même pas ce que cela représentait véritablement : la destruction.

Bien sûr, dans un groupe, il y a toujours ceux qui sont différents comme Bat, mais ce n’était qu’une toute petite minorité, qui ne pouvaient s’imposer. Aussi doit-on comprendre que le véritable idéal politique des skinheads du Luco en 1984 était comme un fond d’écran, car finalement, ce n’est pas cet idéal politique qui nous procurait du plaisir. Nous ce qu’on aimait, c’était la bagarre, la musique et la fête. Au fond de nous on ne respectait pas tous ces fachos de bonne famille. Il y avait trop de différences entre eux et nous. Eux, c’étaient des bourgeois et nous des enfants de la rue.

Mais, ce qui est évident c’est quand vous affichez de telles idées négatives, vous avez tellement d’opposition que vous êtes obligés de développer de la haine envers les opposants. Il n’y pas de sortie dans cette voie. A la fin vous n’aimez personne, vous développez de la haine envers tous les êtres, sans avoir de raison…

7- La violence skinhead

A cette époque, on voyageait illégalement pour aller voir des concerts. On se cachait dans les placards des trains corail. Je me rappelle d’une fois en particulier où on a été voir un concert punk à la campagne. Il y avait eu une grosse bagarre et Fesni avait pris un coup de couteau dans le nez. Ce soir-là, on avait viré les mecs du groupe sur scène, pris leurs instruments et on avait pris leur place. On était quatre des membres du groupe Fesni, Renaud, Régis et moi. Un autre gars qui jouait de la batterie nous a donné un coup de main spontanément. C’était le premier concert des Evil Skins. Puis, lorsque le technicien a voulu couper le son au bout de 2 morceaux, une autre bataille a été engagée…

J’étais tellement à l’aise dans mon rôle de skinhead, et tellement habitué au contact avec la police que je n’avais plus véritablement la valeur du danger. Parfois, ils venaient me cueillir chez mes parents à six heures du matin, pour un interrogatoire sur une histoire de meurtre. Pendant ces interrogatoires interminables, ils m’envoyaient leur fameux presse-purée pour essayer de m’intimider, mais cela me faisait rire. Presque tous les jours, j’étais fouillé et contrôlé par la police en pleine rue. Combien de gardes à vue au commissariat ai-je faites ?

Une histoire sanglante illustre ce fait, la seule où je me suis fait épingler. Un jour où j’allais au café rue d’Assas, une personne m’a regardé et s’est retourné pour me regarder. Je l’ai alors frappé sans aucune compassion, avec une haine terrible. Il est tombé par terre, et j’ai commencé à lui mettre des coups de pieds en plein visage. J’étais tellement fou que j’ai essayé de rentrer sa tête entre le trottoir et la roue d’une voiture, à coups de pied. Finalement, je l’ai laissé inconscient par terre, et je suis allé jouer au flipper au bar juste à cinq mètres à côté. La police est venue me chercher dix minutes plus tard. J’avais 16 ans. J’ai été jugé pour cela…

La providence a voulu que je n’aille pas en prison, mais si j’avais dû purger une peine pour toutes les violences que j’ai commises il m’aurait alors fallu plus d’une vie pour les payer.

8- Le fief des Evil Skins  (1985-86)

Un soir de décembre 1984, Fesni s’est pris une balle par un gars qu’il tentait d’agresser. Là j’avoue que ça a été le test pour toute la bande, et à partir de cet instant quelques uns ont décroché, puis graduellement la bande s’est disloquée. C’est une époque où toutes les vraies bandes de skins ont cessé d’exister (les Halles, Bonsergent, Tolbiac et Saint Michel).

A ce moment, j’habitais chez mes parents, et c’est là, dans la cité que j’ai connu Philippe qu’on surnommera plus tard Tobi. On est devenus très vite de très bons copains et il est devenu un skinhead.

Tobi avait un frère qui avait un duplex style OPHLM rue Bourdon à Bastille. Il lui a proposé de lui laisser momentanément l’appart. Ce qui était inévitable est arrivé. Toute la bande des Evil Skins est venue squatter les lieux. C’était vraiment une ambiance de gangsters. Une bande de chiens féroces qui se battaient parfois entre eux pour une gorgée de bière. Le frère de Tobi se sentait mal car il était comme viré de chez lui maintenant. Quand il venait il avait peur.

C’est à cette époque que le groupe des Evil Skins a pris véritablement substance. On jouait en acoustique dans l’appart afin de composer des morceaux, puis on les concrétisait en studio de répète. C’est aussi dans ce lieu que graduellement on s’est organisés en petite communauté. Untel avait cette tâche et l’autre celle-là : la cuisine, le ménage… On a vu graduellement le groupe s’animer de sentiments plus profonds pour l’un et pour l’autre, un sorte d’amitié fraternelle, qui parfois dégénérait bien vite.

Bertrand a touché un petit héritage de sa grand-mère. Il a décidé de l’investir afin de produire un 45 tours du groupe. Après quelque temps de répétition, on a décidé d’enregistrer 3 morceaux : Docteur skinhead et mister oï, Sat cong et Bête et méchant. Il a pris contact avec un studio d’enregistrement situé vers Belleville, et il a bloqué deux dates, une pour les prises de son, et l’autre pour le mixage. Pour 15000 francs, on aurait la possibilité d’avoir mille disques gravés.

A cette époque, on avait pris comme look, un habit tout noir, histoire d’avoir un uniforme, avec comme insigne une rune d’odale. Je m’étais même fait tatouer cet emblème sur le côté droit du crâne. Je me rappelle que lorsque le groupe est arrivé dans le studio, l’ingénieur tremblait, il était mort de trouille. Faut dire qu’à peine entrés, j’avais mis un gros coup de tête à Tobi, et on nous avait séparés dans un tumulte dégénérant. Ça  commençait bien, bonjour l’arrivée rock’n’roll !!! Bon, finalement les choses sont rentrées dans l’ordre, Luke et Bertand jouaient de la basse et de la batterie, moi et Renaud de la guitare, Yves du saxo, Fesni chantait et ensemble on faisait les chœurs avec Vitriol, Couscous et Jabbha.

Le deuxième jour c’était le mixage, et à notre grande surprise, ça rendait vraiment bien. Même l’ingénieur chantait les morceaux. Bon, allez savoir s’il les chantait pour ne pas se faire taper dessus. Ça  restera un mystère, mais je pense qu’il doit encore se rappeler de nous, il n’y a pas de doute à ce sujet. Un groupe comme cela, y’en a pas tous les jours. Après une heure de bataille verbale entre les membres du groupe, on est arrivés à tomber d’accord sur l’ensemble du mixage et le disque a été imprimé.

9- Le Klan et les Evil Skins (1985-1986)

Bat essayait toujours de nous récupérer, mais il était dans un autre monde. Il ne fumait pas, et n’aimait pas trop nos délires. Il disait toujours que nous étions fous. Il se dirigeait plutôt vers un idéal skinhead para militaire et fasciste. Il rêvait de faire son parti politique, mais avec des énergumènes comme nous, ça n’a jamais collé. Je me rappelle lorsqu’il venait au fief des Evil Skins, il y avait vraiment un décalage, mais parce qu’on était des potes et qu’on avait la même bande depuis le début, on s’accordait.

Un soir, il m’a invité dans son studio, et après une très grande quantité de bière, il m’a filé une carte de membre sur laquelle était écrit « KLAN ». A vrai dire, je n’ai guère fait de plus dans son klan que de prendre cette carte. Je pense qu’il nous en a tous refilé une, mais bon c’était son truc. Il a pendant cette période décroché d’avec nous pour fonder son parti  politique.

10- Les derniers instants skinheads (1987-1988)

Comme tout bon skinhead à cette époque, j’étais fier d’être français. Aussi, pour faire mon service militaire, j’avais pris quelque chose de péchu, les paras. Mais je dois avouer qu’entre l’imagination et la réalité, il y a eu un sacré décalage. D’abord, ils voulaient me réformer quand ils m’ont vu arriver. Il a vraiment fallu que j’argumente pour être pris.

Après l’armée, j’ai repris ma place en tant que skinhead, et je suis retourné vivre au fief des Evil Skins à Bastille. On restait de plus en plus entre nous, et on se plaisait à vivre ensemble. Faut dire que le RMI nous permettait de nous maintenir un petit peu, juste de quoi faire la fête.

Notre comportement à tous changeait. C’est un peu comme des soldats en guerre qui commencent à être fatigués de la guerre. Au début, c’est super, puis avec le temps, on commence à s’apercevoir qu’il n’y a pas vraiment d’avenir là-dedans. Mais de temps en temps, notre look faisait qu’on était obligés de nouveau d’entrer en guerre. Je me rappelle que ma haine commençait graduellement à se dissiper. Je commençais à avoir du mal à frapper les gens. Des personnes que j’aurais éclatées en quelques secondes me paraissaient parfois imprenables. Je ne comprenais pas ce qui m’arrivait. J’étais entre deux eaux.

D’un seul coup j’avais besoin d’amour. Je sentais parfois comme une force positive qui venait me chercher, et j’étais attiré par ce changement. C’était tellement plus merveilleux d’être gentil, les gens réciproquaient avec moi. J’étais perdu, car même si  j’étais habillé comme un skinhead, au fond de moi, je commençais à apprécier les gens. Je n’arrivais plus à les regarder avec violence. Bien qu’ils aient peur de moi, je n’étais plus dans cet élément.

Il y avait en face de mes parents une famille juive qui habitait dans l’immeuble. Je la connaissais depuis mon enfance et on s’aimait beaucoup. Or, ce jour-là, je suis sorti de chez mes parents, et sur le palier de l’immeuble est apparue Cathy, une jeune fille de cette famille juive. Elle était avec son jeune enfant âgé d’un mois.

J’étais habillé comme un SS, tout en noir, avec des emblèmes nazis sur mon blouson et cette rune d’odale tatouée sur mon crâne. Quand elle m’a vu habillé comme cela, j’ai commencé à ressentir une ambiance très lourde. Elle était terrifiée. Elle avait peur de moi. Cela m’a fait mal. En fait, je n’étais pas conscient véritablement de ce que cela représentait tous ces insignes et ces tatouages que je portais. Pour moi, c’étaient les symboles de la violence, de l’ultime provocation. Mais là, je ne voulais plus assumer cela avec Cathy. J’ai alors pris l’ascenseur avec elle. Je peux vous dire que j’avais vraiment l’impression de vivre ce qu’elle était en train de vivre : la peur des camps de concentration, l’extermination nazie. Cela a produit un véritable choc à l’intérieur de moi, une véritable explosion. Je n’ai rien dit. Je suis simplement parti sous ce choc émotionnel.

Juste après, j’ai pris le métro. Comme d’habitude, je prenais quatre places et mettais mes pieds sur les sièges de devant. Mais je pensais à Cathy, alors un maghrébin s’est approché et il m’a demandé gentiment s’il pouvait s’asseoir à côté de moi. Je l’ai alors regardé et j’ai enlevé mes pieds du fauteuil d’en face. Je me suis alors senti bien à côté de lui. Il m’a dit : « Pourquoi portes-tu tous ces insignes ? »  Je me suis alors levé comme si je devais le descendre, car j’avais ressenti une certaine provocation dans ma folie. Mais je ne pouvais rien faire. Je le voyais comme un messager, comme un miroir de la vérité. Je suis alors descendu du wagon, en essayant d’oublier tout cela.

J’essayais intérieurement de lutter contre ce changement. Les derniers instants de ma vie de skinhead ont été des moments où j’étais complètement perdu. J’étais tiré de deux côtés. Alors dans ma folie, j’essayais de résister à mon changement de cœur en me lançant vers une provocation fasciste toujours plus extrême. Je m’étais même fait tatouer sur tout le torse l’aigle nazi. Je voulais de cette manière enrayer ce bien qui commençait à me faire changer. Mais l’instant d’après, je n’étais plus le même. Quelle souffrance !!!

C’est une époque où j’avais tellement besoin d’amour ! Je vivais avec cette déchirure intérieure. Mais elle n’avait pas encore de véritable fondement. C’est comme si elle me faisait errer et m’apprenait graduellement à faire un choix. J’étais entre deux eaux. Je sentais cette force positive qui venait me chercher, et j’étais attiré par ce changement. Et puis je n’étais pas le seul, Fesni également avait beaucoup changé. A partir de ce moment, en quelques mois, nos cheveux ont poussé et on s’est graduellement coupés du monde skinhead.

11-  Les Teep’n’Teepatix (1988-89)

A cette époque, je suis revenu chez mes parents. Avec Fesni, on a acheté de nouvelles guitares. Il a commencé à apprendre à jouer de la gratte, puis on a composé des morceaux et décidé de remonter un nouveau groupe. Les « Teep’n’Teepatix ».

On est revenus traîner à Gambetta. Une bande de Mods squattait un café appelé les Edelweiss. On s’est joints à eux, ils étaient une vingtaine. Ça nous faisait du bien d’être avec des personnes plus cools, qui ne se battaient pas, avec une meilleure éducation et des relations assez fraternelles. Ça nous sortait de ce qu’on avait connu. Ils nous invitaient à leurs fêtes, la musique était bonne et ils dansaient bien. Pas d’idéologie politique, pas de racisme, c’était une bande cosmopolite. J’adorais monter sur les scooters décorés comme dans les années 60. Je m’étais même fait un look un peu Mods. J’avais du mal à abandonner la vie de bande, alors ça me permettait de trouver un équilibre.

Quatre d’entre eux ont accepté de faire les chœurs dans le groupe. On a contacté Bertrand pour jouer de la basse, et deux de ses connaissances ont accepté  de se joindre à nous, une pour la batterie, et l’autre pour la guitare (Christophe le Belge). A cette époque, on a composé : le démon du carrefour, 1990, j’attends …

Un soir, avec les « Teep’n’Teepatix », on a fait un petit concert dans un bar et c’est là que j’ai rencontré une fille. Elle traînait avec une bande de bikers, des anciens skinheads. J’en avais marre de toutes ces femmes que j’avais connues et qui ne trippaient que sur le fait que j’étais un voyou. J’avais vraiment envie de rencontrer une fille différente. Une femme avec qui je puisse vivre et fonder une union positive qui n’était pas basée uniquement sur une attraction sexuelle. Mais j’ai été déçu. Je cherchais peut être quelque chose qui n’existait que dans mon mental. J’ai quand même accepté de vivre avec elle dans son appartement à Ménilmontant, puis on s’est attachés l’un à l’autre. Après un certains temps, elle m’a proposé de partir avec elle en Guyane française. J’ai accepté et j’ai alors quitté le groupe des  « Teep’n’Teepatix ».

12-  Un éveil spirituel (1991-1992)

Avant de partir pour la Guyane, ma copine a décidé de vendre son appartement à Ménilmontant, pour avoir un petit capital. Là-bas, elle a acheté une voiture, elle a loué une maison et un établissement de coiffure pour y exercer son métier. L’ayant rejoint un peu plus tard, j’ai trouvé un job dans un café. J’étais un peu l’homme à tout faire : les courses, le bar …etc.

Je sentais en moi, un autre rôle, une autre identité, celui d’un homme gentil. J’avais des copains complètement différents : des Créoles. Je découvrais un autre monde, d’autres horizons : l’Amazonie, le reggae… C’était vraiment pour moi un nouveau film, une découverte. Je tournais une page de ma vie.

Mais ma relation avec ma copine commençait à se dégrader, son business ne marchait pas et ça déteignait sur notre couple. Finalement, après 6 mois, on a décidé de revenir en France, sur Paris, pour prendre un autre chemin.

A notre retour, on a habité chez mes parents, ils nous avaient laissé une chambre. On bossait à mi-temps dans un grand bazar parisien. Je passais également pas mal de temps avec Fesni et les Mods de Gambetta. Quelque chose avait changé en Fesni. Il s’intéressait maintenant à la spiritualité et partageait avec moi ses expériences et ses ressentis. Il a commencé à me passer des bouquins traitant du yoga, des cakras et de certains maîtres en spiritualité. Je dois dire que j’étais époustouflé par une telle transformation. Ça m’attirait. Et puis Fesni ne faisait pas semblant, quand il se lançait dans quelque chose, il le pratiquait toujours à fond. Tous les jours, il faisait ses méditations. Il pratiquait la pensée positive, se nourrissait différemment…

Il avait développé une sensibilité particulière : sentir autrement la vie, la nature, les animaux. Il ressentait la vie dans les plantes, dans les arbres, les éléments, percevant que la terre était vivante, et il aimait entrer en contact avec cette harmonie. C’est difficile à expliquer et c’est vrai qu’au début, quand il me parlait de ce qu’il vivait, c’était choc, mais mystérieusement j’arrivais également à ressentir ces choses. Je ne pouvais donc ni rire ni rejeter. Grâce à lui, je m’ouvrais vers une autre réalité.

C’est à cette époque que ma compagne est tombée enceinte. Elle a accouché d’une fille. Elle a décidé ensuite de retourner vivre en Guyane car elle ne voulait pas que la petite grandisse en France. J’ai donc accepté. Mais le contact avec Fesni avait attisé en moi un désir de spiritualité. Je ressentais également profondément le besoin de savoir s’il y avait autre chose qui existait au-delà de ce que je pouvais percevoir, ressentir et comprendre.

J’ai commencé à méditer et à pratiquer des respirations yogiques. J’avais acheté une statue du Bouddha pour cette méditation et je la fixais avec un désir intense de rentrer en contact avec Dieu. En fait, je désirais savoir s’Il existait. J’avais comme un désir puissant de savoir la Vérité.

Ça peut vous paraître bizarre mais à ce moment-là, j’ai ressenti une force puissante m’envahir. A vrai dire c’était tellement puissant que j’ai eu peur. C’est comme si Dieu m’avait répondu qu’Il existait. De nombreux religieux ont vécu de telles expériences. C’est quelque chose de propre au croyant, à celui qui désire connaître Dieu. Les chrétiens ou les musulmans nomment cela « L’appel de Dieu ». A cet instant, ma vie a réellement basculé.

Dès le lendemain, spontanément, j’ai arrêté de fumer, de boire de l’alcool et de manger de la viande. Je ne voyais plus que cette réalité en toute chose. J’étais comme transformé. J’aimais pourtant profondément ma femme et ma fille, mais je ne pouvais plus vivre simplement pour moi et pour elles. Après cette prise de conscience de Dieu, je ressentais le besoin vital d’aimer tous les êtres, comme Dieu les aime, de donner ma vie à Dieu et pour la grande famille qu’est l’humanité. J’avais une telle soif d’amour. Ma compagne malheureusement ne partageait pas du tout mon point de vue. Elle a  décidé de notre séparation, et on est rentrés en France.

Je les voyais quand même de temps en temps, mais cela perturbait énormément ma fille, car je lui manquais. Je me rappelle, elle se blottissait contre moi, et me disait : « Papa, papa !!! » comme cela était dur pour moi ! Ses mots étaient dits avec tellement d’amour et des larmes coulaient de ses yeux. Qui n’aurait pas fondu d’affection pour un être si doux et si petit ? Mais quand je repartais, c’était la catastrophe. Elle criait « Papa !!! papa !!! » et elle pleurait en criant. Elle a fini par avoir des problèmes psychologiques, alors sa mère a coupé les ponts. Elle m’a écrit une lettre en me disant que je ne reverrais jamais ma fille. Simplement, elle m’a assuré que le jour de ses 18 ans, elle lui parlerait de moi. Ceci a été un des moments les plus difficiles de ma vie.

Je lui ai écrit une lettre en lui expliquant que je désirais devenir un moine, et que je resterais avec eux toute ma vie dans la pensée et dans l’action, que jamais je n’aurais pas une autre femme, ni d’autre enfant. J’ai donc décidé de trouver une voie religieuse où je puisse offrir ma vie à Dieu, et offrir les fruits de cette vie, à ma femme et à mon enfant.

13-  Deuxième partie, un éveil spirituel (1992)

Je ressentais profondément le désir de donner ma vie à Dieu. Aussi, je voulais m’engager de tout mon cœur dans une voie religieuse. Mais je m’étais fait un idéal de l’homme religieux à qui je voulais ressembler : quelqu’un qui était véritablement en son cœur plein d’amour, une personne qui pouvait comprendre la foi des autres et vivre dans l’harmonie universelle. Je suis allé pour cela rencontrer différents courants religieux. Mais je dois vous avouer qu’il y avait toujours quelque chose qui me perturbait dans ces rencontres. Bien sûr, je comprends qu’il y a de bonnes personnes dans toutes les religions mais les circonstances ont fait que je n’ai pas eu le privilège de les rencontrer à ce moment-là.

Peu de temps après, Fesni m’a proposé de vivre chez son père. Monsieur Zaran avait un grand cœur et il m’a offert une chambre, comme si j’étais son propre fils. Un tel accueil ne vous laisse pas indifférent. Je l’aimais beaucoup. C’est dans cette maison que je suis entré en contact avec la religion vaisnava, car dans un placard, il y avait trois volumes du Srimad-bhagavatam (Textes sacrés des Védas).

C’est à ce moment que j’ai reçu une invitation pour assister à une conférence dans un centre culturel hindouiste. Les livres de Srila Prabhupada avec lesquels j’étais entré en contact dépeignaient cette grande tradition de l’hindouisme et plus particulièrement du vaisnavisme, religion issue de Visnu ou de Krishna.

Tout comme dans les grandes religions, il y a différents courants. Par exemple, on peut distinguer différentes branches dans la chrétienté, du sectaire au modéré: les catholiques, les protestants, les évangélistes, les évangéliques, les mormons, les témoins de Jéhovah…

Lorsque je suis arrivé à leur centre à Paris, j’ai d’abord observé de l’extérieur ce qui se passait. Et pour vous dire, bien qu’ancien skinhead, je n’étais pas rassuré. Mais je suis quand même rentré.

Alors comme pour une nouvelle recrue, ils se sont approchés de moi.« Bonjour, vous venez pour la première fois ? » « Vous nous avez connus comment …? » Je n’étais vraiment pas à l’aise. Puis une personne différente est entrée, c’était un maître spirituel, une personne vraiment zen, il était venu donner une conférence. Pendant qu’il chantait, j’ai alors ressenti que cette personne était bonne.

Après la conférence, les autres membres m’ont entouré d’une façon pas très appropriée. Je sentais leur désir un peu trop intense de me convertir. J’avais vraiment l’impression d’être avec des gens bizarres qui voulaient me kidnapper. J’avais vraiment hâte de repartir. Puis avant de m’en aller, l’un deux m’a approché et m’a dit : « Tu viens vivre avec nous ? » Alors là j’ai encore plus flippé, et j’ai trouvé une excuse pour partir très rapidement.

Mais quand je suis sorti de leur centre, je me sentais vraiment bien. J’avais l’impression d’être léger. J’avais le chant « Hare Krishna Hare Krishna Krishna Krishna Hare Hare, Hare Rama Hare Rama Rama Rama Hare Hare » qui résonnait en moi.

14- Une expérience (1992-1993)

Quand je suis rentré chez Fesni, je lui ai fait part de mon expérience, et j’ai commencé à chanter sur un chapelet les noms de Dieu. J’avais également la Bhagavad-gita (la Bible de l’hindouisme) comme livre que j’étudiais, et rapidement mon comportement a changé. Je me suis transformé en un ascète qui passait sa journée à prier et à chanter. Je passais également voir ce mouvement et un jour, j’ai décidé de faire une retraite dans leur communauté dans le Berry.

Contrairement à ma vie de skinhead, j’étais devenu à ce moment une personne très sensible. Je ne pouvais plus devenir agressif, j’avais l’impression que mon cœur avait été volé par l’amour. Aussi, je suis arrivé dans cette communauté avec le désir d’échanger. Mais j’ai vite compris que ces gens n’avaient pas forcément tous cet éveil en leur cœur. J’étais donc sous le choc et je ne savais quoi penser, car pour moi, puisque je le vivais, tout le monde devait être pénétré de l’amour. C’était la déception la plus complète, et j’ai pleuré.

Je suis reparti vivre chez Fesni, mais la vie monastique me manquait profondément, et je sentais que je ne pouvais véritablement m’épanouir ici. Aussi, je faisais des allers et retours, car je n’arrivais pas également à trouver pleinement mon équilibre. Or, un jour, je suis parti vivre dans leur centre à Paris.

C’était une vie austère. Lever à 4 h 00 du matin, prières et activités de missionnaires. L’ambiance n’était pas toujours la meilleure, je dirais qu’il n’y avait pas véritablement de vie fraternelle. On ressentait que chaque personne était engagée dans un processus de développement spirituel, mais que celui-ci n’était pas dirigé vers le développement d’une vie communautaire fraternelle et ceci me manquait profondément. Il y avait véritablement un malaise dans ce domaine. Mais il n’y avait qu’eux qui représentaient cette religion en France à cette époque, et leur charisme ne me convenait pas.

15- La distribution de nourriture (1993-95)

En juillet 1993, j’ai rencontré Fred et d’autres personnes qui ensemble m’ont permis de distribuer tous les samedis soirs des repas gratuits pour les sans-logis à la gare de l’Est. Je me rappelle,  tous ces gens, toutes ces familles dans le besoin, rongés par la faim. Ils venaient avec leurs gamelles prendre de la nourriture pour la famille entière. On établissait des contacts de cœur, on échangeait véritablement avec eux, sans jugement. Ils venaient nous parler des difficultés qu’ils rencontraient, en quête d’écoute, de chaleur, d’un peu d’amour. Et, on se donnait totalement à eux.

Ils sentaient qu’ils étaient aimés et respectés, et le fait qu’on soit des anciens voyous annihilait toute frontière et permettait un climat de confiance, une profondeur dans l’échange.

Je me souviens que lorsqu’on distribuait des repas gratuits, certains anciens voyous de gangs venaient me parler avec beaucoup de respect à cause de mon changement. Ils me parlaient de certains de leurs problèmes et de leur besoin de se ranger. A vrai dire, j’avais tellement changé que j’avais complètement oublié ces guerres de bandes. On abordait des sujets qui peuvent paraître incroyables pour des gars de bandes, on parlait de paix, de la stupidité de la violence, et bien sûr de Dieu. Pour certains, nos discussions, mon parcours, ont provoqué un réel changement dans leur vie.

Mais dans ces discussions, je réalisais à quel point j’avais dépassé toutes ces conceptions erronées. Je pouvais voir qu’au-delà de toutes ces apparences, il y avait l’être empreint de beauté. Je voyais graduellement toutes ces identifications comme des couches qui recouvraient la réalité de notre lien avec Dieu, et avec tous les êtres vivants. Je réalisais maintenant que je pouvais devenir l’ami de tous les êtres, et que je ne pourrais plus jamais discriminer une personne sur des critères externes, comme la naissance, la race, la religion, l’idéologie, la culture…

16- La terre sacrée de l’Inde (1995)

Le moment était venu pour mon ami Phany et moi de découvrir la terre natale de ma religion, le vaisnavisme, et de partir pour l’Inde. J’allais en Inde pour différentes raisons, la première étant de comprendre ma religion et de connaître sa variété, ses différentes branches. Vous savez, vous avez beau vous diriger vers n’importe quelle religion, ils vous diront qu’ils sont les meilleurs, qu’ils sont les seuls à détenir la vérité, et que seulement grâce à eux, en suivant leur voie, vous pourrez atteindre l’émancipation spirituelle. Je connaissais bien ce discours chez les hindouiste que je fréquentais, comme je l’avais également entendu chez les catholiques, les musulmans, les juifs, les protestants, les bouddhistes… 

Un jour,  j’ai rencontré Srila Bhakti Promoda Puri Maharaja.
Il était le représentant religieux de la Gopinatha Gaudiya Matha, une institution authentique vaisnava, reconnue par tous en Inde. C’étais un être tellement doux, tellement humble, des larmes coulaient constamment de ses yeux tant l’amour inondait son cœur. Il ne faisait aucune différence entre les êtres et les institutions. Jamais il ne rabaissait un être, au contraire, il se considérait toujours inférieur à tous. Bien qu’ayant de nombreux disciples, il se positionnait toujours en serviteur de tous. C’était vraiment impressionnant de le voir. On aurait dit que son corps brillait comme de l’or. Il vivait dans une simplicité et une pauvreté extrêmes. Il ne demandait rien à personne, il priait chacun de devenir un bon dévot du Seigneur, et de développer l’amour pour Krishna et pour tous les êtres vivants.

A son contact, ma vision a encore davantage changé. Dans mon cœur, je comprenais que j’avais trouvé ce que je cherchais. Je n’avais pas besoin de parler. Ce qui émanait de lui est entré en moi, et mes dernières traces de fanatisme se sont dissipées. Maintenant, j’avais besoin d’apprendre pour rapporter en France ce vaisnavisme sans sectarisme que j’attendais.

Bien sûr, j’avais déjà reçu une formation religieuse dans les domaines principaux. J’avais été initié dans cette religion, mais je désirais maintenant approcher toutes ces vérités philosophiques à travers l’ouverture d’esprit de mon maître spirituel. J’avais reçu également les bénédictions pour établir un monastère en France.

17- La reconnaissance par l’Etat français (1996-2000)

De retour en France, avec quelques moines on a habité un appartement qu’on a réhabilité en temple. On a entrepris une collecte de fonds auprès de la communauté hindou, dons qu’on a enregistrés à la recette des impôts.

Je travaillais alors à l’insertion de notre branche du vaisnavisme en France et à l’obtention d’un statut et d’une reconnaissance officiels de l’Etat. J’ai entamé une longue recherche, lu pas mal de livres, étudié les mœurs de chaque religion reconnue et même celles non reconnues dites sectes. J’ai également rencontré bon nombre de religieux. J’ai alors profondément compris ce qu’il fallait faire et ne pas faire. A la suite de ce travail d’investigation, on a constitué un dossier avec l’aide du Bureau Central des Cultes Français, et on a postulé pour recevoir notre reconnaissance.

Pour recevoir la reconnaissance légale, la procédure exige qu’une enquête de la part des renseignements généraux soit ouverte. Cela a duré sept années. Ils ont interrogé les voisins (particuliers et professionnels), ils sont venus nous rendre visite. Le Ministère des Affaires Etrangères de son côté a organisé également une enquête en Inde.

Entre temps, une personne honorable, comptable gérant des Congrégations Chrétiennes, nous a guidé gracieusement dans notre démarche de reconnaissance. Il nous a conseillés d’acheter un bien pour établir un monastère. Sans cela, il avait peur que notre demande ne soit pas réellement prise au sérieux. On a ensuite démarché auprès des banques pour trouver un crédit. Mais aucune banque ne voulait de nous, toutes étaient suspicieuses et pensaient qu’on était une secte. C’était vraiment dur. On se sentait complètement rejetés. On nous regardait comme des bourreaux, des laveurs de cerveaux… Ceci nous a causé une énorme souffrance intérieure, nous qui étions non sectaires. On était confrontés à une réalité : la France avait véritablement un problème d’ouverture envers les religieux.

Finalement, après un combat de plusieurs mois, et d’un démarchage auprès de toutes les banques, une a enfin accepté de nous prêter de l’argent. En décembre, on a visité un ancien squatt vendu à très bas prix, et on a acheté le complexe à crédit.

A cette époque il faisait –10 degrés à Rouen, et on n’avait pas les moyens de payer un loyer et de rembourser un crédit. On a dû emménager dans l’ancien squat. Ce fut une période particulièrement difficile. On a alors acheté des chauffages électriques, on a fait réparer la tuyauterie pour recevoir de l’eau.

Puis, notre dossier a été envoyé au Premier Ministre, au Conseil d’Etat, au Ministre des Affaires Etrangères,  au Préfet de Seine Maritime, et au Conseil Municipal de Rouen. Vous pouvez comprendre qu’une reconnaissance en tant que Congrégation religieuse n’est pas une petite affaire. Elle est également nommée la grande reconnaissance au même titre que l’église catholique, protestante, orthodoxe, et que les bouddhistes. La petite reconnaissance étant la reconnaissance du culte (Association cultuelle loi 1905), elle donne droit à des exonérations d’impôt.

Le Préfet de Seine Maritime a donné son feu vert, les Renseignements Généraux également, par contre on a rencontré une très forte opposition de la part du maire de Rouen.  Il nous a fait parvenir une lettre nous expliquant que notre Ordre n’était pas conforme à la loi, et que l’UNADFI (Union Nationale de Défense des Familles et de l’Individu victime de secte) nous considérait comme un mouvement sectaire.

Ce maire était catholique pratiquant et peu enclin à l’ouverture vers d’autres religions. Ses accusations n’étaient pas fondées car notre Ordre avait été établi sous la guidance du Bureau Central des Cultes Français. De plus, on a contacté l’UNADFI qui nous a répondu qu’elle n’avait émis aucun jugement contre nous.

Entre temps, avec l’achat et le déménagement de l’association dans sa nouvelle demeure (de Rouen à Saint Etienne du Rouvray), le dossier de reconnaissance avait été transféré au Conseil Municipal de Saint Etienne du Rouvray. Le Conseil Municipal s’est opposé également à notre démarche, s’appuyant sur les fausses accusations du maire de Rouen.

On a donc pris rendez-vous avec l’adjoint au maire pour établir un dialogue en vue d’un accord. Il tremblait lorsqu’il nous a vus. On avait vraiment l’impression qu’il voyait pour de vrai : la SECTE. Durant l’entretien, il a demeuré très fermé, et  nous a dit que même si on prenait un avocat en vue de faire valoir nos droits, il s’arrangerait pour faire traîner le dossier au minimum huit années !!! Bonjour l’ambiance !! Fallait vraiment avoir la foi pour continuer !

Entre temps, le maire de Rouen a été battu aux élections avec 78% de voix à la Gauche.

On a tout de même pris rendez-vous avec un avocat. Pour lui, ce n’était pas un problème. Il a mis au point une stratégie. En premier lieu, il nous a fait rencontrer les responsables des cultes français, et a expliqué notre cas. Le chef du Bureau des Cultes nous a conseillé alors de nous rapprocher de nouveau du Conseil Municipal, pour qu’à son tour, il puisse prendre contact avec le Ministère de l’Intérieur. Finalement, le Conseil Municipal a cédé devant la vérité, et par décision du Conseil d’Etat et l’approbation finale du Premier ministre de la République, le 10 septembre 2007, l’Etat français a reconnu notre Congrégation officiellement : quelle bataille ! Un membre du Ministère des Cultes nous a même avoué qu’en regard avec la conjoncture actuelle, c’était historique. On a appris plus tard que les bouddhistes reliés au Dalai Lama avaient mis vingt-cinq années pour recevoir leur reconnaissance…

18- La construction du temple et monastère (2002-2010)

Les travaux ont alors commencé en décembre 2003. Ensemble, Yashoda Nandana, Yashoda Dulal, Balarama, Jnana Jnanananda, Lalita Sakhi, Krishna dasi, et moi on était tous les jours à l’œuvre. Malgré notre manque de connaissances en maçonnerie, frère Edmond, un maçon guyanais qu’on payait, nous a appris, et on a commencé à pas mal assurer, au point que les gens nous contactaient sur le passage pour essayer de nous embaucher au noir, chose bien évidemment interdite en France !!! On a, pendant sept années, travaillé dur pour ouvrir notre temple et notre monastère.

19- Mes responsabilités spirituelles

Parallèlement, je voyageais en Inde, et des rencontres avec mes maîtres, j’ai approfondi la pratique et la connaissance de ma religion. Ce qui m’a permis d’écrire une dizaine de livres sur celle-ci. Puis, sous la protection de mes autorités spirituelles , je suis devenu moi-même un guide spirituel.

Cette position me donne de rencontrer beaucoup de gens. Il y a ceux qui sont en recherche spirituelle, d’autres qui sont brisés par la vie. J’ai avec eux une relation de cœur. Dans ces relations, je n’impose jamais, mais je vais vers la demande de ces personnes. Elles  restent profondément reconnaissantes, ce qui permet de véritablement créer une famille. C’est ensemble que nous avons monté ce projet, et elles sont ici autant chez elles que je le suis car c’est la maison de Dieu.

J’ai appris de la haine skinhead qu’il fallait aller vers l’amour, et du sectarisme des religieux avec lesquels j’ai vécu à une époque, qu’il fallait aller vers la liberté. Dieu laisse tous les êtres libres. Un vrai religieux est donc celui qui donne amour et liberté. Il apprend aux autres à se libérer et non à s’enfermer dans un dogme qui force l’être à développer la haine au nom de Dieu.

20- Mon retour sur la scène du rock

J’avais envie de revenir vers les gens après avoir véritablement changé mon cœur et de demander pardon pour tout ce que j’avais fait dans le passé. Si j’ai été vers Dieu, c’est que personne ne pardonne des gens comme moi qui ont porté des croix gammées et qui ont frappé et lynché tant de personnes, mis à part Dieu. Aussi, j’avais envie d’en parler à travers ce blog, et de demander simplement pardon aux êtres que j’ai frappés, pardon également à tous ceux qui ont été emportés par les idées destructrices qu’on a introduites, et à tous ceux qui ont été blessés par de telles méchancetés, pardon à ma famille, à ma fille.

J’ai toujours été au fond de mon être également un marginal, un rockeur. Je suis comme un caméléon. J’aime tous les êtres et comme je suis sorti de cette haine, j’ai envie d’aider ceux qui veulent sortir de la haine. Je ne crois pas en un système, mais je crois en l’Amour, car c’est lui qui est venu me chercher et m’a sauvé. C’est pour cela qu’au fond de moi je me sens obligé d’aller vers des criminels, des voyous. Je sais que dans ces carapaces de durs il y a des cœurs très bons et des gens droits.

Je ne suis pas le genre de type qui juge une personne sur un habit, ou sur un comportement externe. Je sais que tout le monde a droit à l’amour. Pour moi, l’habit n’est qu’une chose externe, le plus important est le cœur. Je n’aime pas vivre dans la discrimination. Aussi, j’ai adopté plusieurs modes de vie sans pour autant changer mon cœur, ceci afin de pouvoir être avec les meilleurs comme avec les pires. Pour moi, tous les êtres ont de l’amour. Ce n’est qu’une couche qui le recouvre, et qui les empêche de le goûter et d’être en paix. C’est mon expérience. Si j’ai pu changé, je pense que tout le monde le peut.

J’ai donc entrepris de créer un moto club custom, milieu où la criminalité est féconde. Je l’ai appelé « Ahimsa non violence » qui appelle à offrir à chacun un refuge de spiritualité, tout en engageant la moto et le rock’n’roll. J’ai rencontré à cette intention les motos clubs les plus violents dont je ne peux citer les noms à cause des conflits qui règnent entre eux. Et j’ai même découvert dans ce milieu dur l’amour à travers des gars qui font trembler la terre. Oui, l’amour est en tous, si on sait respecter avec profondeur chaque individu.

Au début, cela n’a pas été facile, mais petit à petit l’amour a fait son chemin et ces gangs ont accepté de reconnaître notre ministère de motards hindouistes. Notre but est donc de fonder avec ce club une fraternité de gens qui désirent s’éveiller à des valeurs positives. Nous désirons aussi être un refuge pour ces gens qui désirent changer. Parallèlement, j’ai reformé un groupe de rock « Dayal Nitaï » afin de propager des idées positives. J’espère ainsi partager mon expérience, mais également faire comprendre aux gens qu’un religieux n’est pas forcément une personne fermée d’esprit et cantonnée à un dogme. Un homme de Dieu doit voir la beauté en toute chose et l’éveiller.

Dans la voie du cœur qui est le véritable vaisnavisme libre de tout sectarisme, rien ne saurait détruire. On apprend simplement à diriger les choses autrement. Avant, quand j’étais un voyou,  je voyais des ennemis à abattre dans toutes les directions, alors qu’aujourd’hui, je vois partout des êtres à aimer. J’espère que ce petit témoignage vous aura apporté quelque chose. J’ai écrit un livre plus volumineux avec beaucoup plus de détails. Je n’ai donné dans ce blog qu’un aperçu de ma vie. Si vous souhaitez, il est à vendre dans la page boutique.

Que la paix soit avec vous et entre nous.

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